Stan Thuret quitte la course, pour mieux la réinventer !
Le 15 février dernier, Stan Thuret annonce sur les réseaux sociaux qu’il “arrête la course au large pour raison écologique.” La voile étant un sport qui met en avant sa proximité avec la nature, quelle est la portée du geste de ce navigateur populaire ?
Le marin-cinéaste, qui naviguait jusque-là en Class40, annonce qu’il a “décidé d’arrêter la course au large telle qu’elle existe aujourd’hui en 2023. L’urgence climatique et l’effondrement de la biodiversité sont incompatibles avec la manière de vivre de la course au large et la compétition.”
Comme toutes compétitions, la voile entretient une course à la performance. Afin d’arriver avant ses adversaires, il faut être le meilleur marin avec le meilleur bateau. Et c’est bien ça le problème. S’ils avancent avec le vent, les bateaux de course sont fabriqués en matériaux composites à base de fibre – de verre ou de carbone – très polluantes. Le navigateur fait le constat accablant :
Que disent les chiffres des scientifiques ?
Chaque humain ne peut émettre plus de 2T équivalent CO2 par personne et par an si nous souhaitons rester sous les 2 degrés de réchauffement.
Un Français moyen 10T.
Un Class40 neuf 50T ?
Un Imoca 600T ?
Des centaines de milliers de tonnes pour l’organisation des courses ?
Il soulève ici également un gros point noir qui est la pollution liée à l’organisation des courses, c’est-à-dire essentiellement celle liée aux déplacements des spectateurs sur les villages de courses aux départs et aux arrivées.
Stan Thuret ne veut pas entretenir un système qu’il dénonce et c’est un geste fort qui trouve un bon écho dans le milieu.
L’association La vague rassemble beaucoup de ces initiatives
Ambassadeur de l’association depuis plusieurs années, le marin œuvre avec d’autres professionnels du nautisme, coureurs ou non, à imaginer des alternatives.
On y retrouve Roland Jourdain – arrivé 2ème de la Route du Rhum avec son catamaran WeExplore réalisé en partie avec du composite recyclable – qui a monté Kaïros pour explorer de nouvelles possibilités. Ou Arthur Le Vaillant. Le marin-artiste a réalisé sa dernière transatlantique en course sous les couleurs du Collectif Mieux avec un Ultim (trimaran de 32m sur 23m) ayant eu déjà plusieurs vies. On peut évoquer également Guénolé Gahinet qui, après avoir décrocher le record du tour du monde en équipage et jouer la doublure pour François Gabart, navigue en famille avec Zaï-Zaï et tente de promouvoir un autre système en déployant les solutions du Low-Tech Lab (centre de recherche “pour une planète soutenable et désirable”)
Le chantier de Lalou Roucayrol, Lalou Multi, se démarque également aujourd’hui en fabriquant des bateaux de courses 100% recyclable.
Ces marins ne sont pas isolés et ils sont de plus en plus nombreux à imaginer et concrétiser des alternatives. Mais une bonne partie des coureurs est encore loin de ces réalités.
La course au large, un sport à facettes
Mais ces dernières années la course au large s’est développée de manière fulgurante sur deux axes opposés.
D’une part, avec la maitrise des matériaux composites et l’apparition des foils les bateaux sont sortis de l’eau. Ils volent littéralement au-dessus, ce qui réduit les frottement et augmente de manière vertigineuse leurs vitesses. La Coupe de l’America, plus ancienne compétition sportive au monde, voit aujourd’hui s’affronter des monocoques volants dans une surenchère financière qui semble sans limite.
D’autre part, l’explosion des médias a permis aux spectateurs de vivre l’aventure des marins comme s’ils étaient avec eux. Le dernier Vendée Globe en est la parfaite illustration : nous sommes nombreux à avoir été marqués par le naufrage de Kévin Escoffier et son sauvetage par Jean Le Cam, beaucoup moins à nous souvenir de la victoire finale de Yannick Bestaven.
Et maintenant ?
Comme le dénonce Stan Thuret, la communication des partenaires de course au large fait beaucoup trop souvent dans le green-washing : construire un bateau de course n’est pas écolo et derrière les mots, les gestes ne suivent pas toujours.
Mais les initiatives pour faire évoluer le secteur sont nombreuses.
François Gabart, recordman du monde autour du monde en solitaire, est très actif dans le transfert de technologie de la course vers le grand public avec sa structure hybride Mer Concept. Depuis le début de l’année il a annoncé la construction d’une série de Mini6.50 en fibre de lin ainsi que le lancement de Vela, une compagnie de transport de fret à la voile. Et son trimaran volant porte autour du monde les couleurs de Kresk 4 Ocean.
Arthur Le Vaillant communiquait depuis longtemps sur la nécessité de mettre en avant les histoires de marin plutôt que de chercher à gagner quelques dixièmes de nœud en vitesse pure. Sachant que ces bateaux avancent à la vitesse de mobylette… Il a notamment lancé Sailcoop qui fait du transport de passagers à la voile entre Toulon-Calvi.
Le geste de Stan Thuret est un symbole, et les médias spécialisés l’on bien compris. La course au large doit évoluer et prendre en compte les contraintes qui sont celles de son époque. C’est déjà l’un des rares sports à permettre à hommes et femmes de s’aligner sur la même ligne de départ (même s’il reste encore beaucoup de travail à faire…), il doit aller plus loin et prendre en compte son impact sur l’environnement.
Et cela doit passer par des gestes forts des classes de bateaux et des organisations de course. Elles doivent prendre leurs responsabilité en limitant les jauges, en donnant des contraintes d’émission de carbone, en imposant des matériaux recyclables d’une part, et d’autre part continuer de valoriser les aventures de ces marins qui nous font rêver !
Chez Zomia, la réflexion sur notre impact est centrale. Notre impact sur l’environnement, sur nos manières de travailler, tout comme dans le regard des gens. On ne peut plus faire comme si on ne savait pas, et l’innovation ne peut plus être qualifiée comme telle si elle n’est pas durable.
Personnellement c’est devenu très concret lors de ma 1ère transatlantique. En voulant me baigner au milieu de l’océan pour marquer le coup, j’ai plongé pour récupérer une bâche qui dérivait à des milliers de kilomètres de la côte sans un bateau à l’horizon depuis des jours…
Notre impact sur la planète dépasse ce que nous pouvons imaginer. Notre pratique du design nous immerge dans des écosystèmes complexes et nous ne pouvons plus nier les conséquences de nos décisions. Nous ne militons pas pour un retour en arrière mais pour une consommation raisonnée.
Le voilier est un médium exceptionnel pour réaliser que l’on peut faire mieux avec moins. Et chez Zomia nous nous donnons cette contrainte, car nous constatons qu’elle nous permet de progresser tous les jours.