Pourquoi j’ai mis des années à lancer Zomia ?

Depuis des années on me soutient que je dois monter ma boîte.
Pendant longtemps je n’ai pas voulu l’entendre et j’ai essayé plein de jobs. 
Et puis j’ai fini par m’écouter et me lancer.

Pourquoi ai-je attendu si longtemps ? Et pourquoi j’y suis allé ?

Si j’ai attendu si longtemps c’est parce que j’avais peur, évidemment !

Peur de partir dans l’inconnu.
Peur de faire entendre ma propre voix, hors du cadre.
Peur que mon projet, si personnel, ne trouve pas d’écho chez d’autres.
Peur que ce ne soit pas parfait.

Cette peur remonte à loin. J’ai grandi avec l’idée que j’étais chiant.

Plus jeune, je m’intéressais à des sujets qui n’intéressaient pas les autres. Je passais mon temps dans les bouquins, à voyager vers des univers multiples et variés. Tout me passionnait ! Mais impossible de le partager tellement c’était décousu. Personne n’y comprenait rien, même pas ma mère.

Alors j’ai un peu arrêté de parler et je me suis mis à écouter.

Quand j’arrivais dans un groupe je me taisais et je laissais les gens s’exprimer, raconter leurs vies. 
Tout le monde aime ça, raconter sa vie. Alors ça m’a permis de les découvrir sincèrement, de comprendre ce qui occupait leurs pensées, et de leur partager uniquement les trucs pertinents que j’avais trouvés dans mes lectures…

Et puis j’ai réalisé que, lorsqu’on leur prête attention, les gens peuvent être aussi intéressants que les bouquins.

Ça m’a conduit à mon métier : designer.
Pour moi être designer c’est s’intéresser aux gens, à ce qui les passionne ou les occupe, et les accompagner dans les défis qu’ils rencontrent.

En parallèle j’ai découvert la voile ! 

Au départ des histoires, puis un mode de vie :

Avancer avec les éléments. Faire attention à l’écosystème dans lequel on se trouve (la destination, la météo, les obstacles, les gens, les ressources). Découvrir une profondeur infinie de complexités – les prévisions météo ça fait tourner les ordi plus gros – se concrétisant dans des pures sensations...

Et puis, naviguer c’est vivre si intensément !

Longtemps j’ai cherché des moyens de partager cette expérience si marquante de la navigation en mer : revenir à l’essentiel, avec sincérité, en prenant le temps. Alors je suis devenu moniteur, puis skipper ; je me suis un peu essayé à l’écriture aussi, pour tenter de mettre des mots sur ces sensations…

Assez rapidement j’ai envisagé d’associer mes deux passions : le design et la navigation.
Construire des solutions en se focalisant sur ce que l’on a à disposition : les gens.

Mais au départ je n’osais pas assumé cette idée : qui me prendrait au sérieux ?
Puis j’en ai parlé. Et on ne m’a pas pris au sérieux. 
Normal, moi-même je n’y croyais pas. Mon idée n’était pas parfaite. Pourquoi est-ce que je serais légitime ? Pourquoi me suivrait-on ?

Au lycée, différents événements m’ont imprimé l’impératif catégorique kantien. Vous vous souvenez ?

« Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée en loi universelle » 

BOUM !

Kant. LA référence de la pensée européenne classique, nous demandait de viser la perfection dans toutes nos actions.

Bon élève devenu cancre, je me suis rattaché à cette quête de perfection… et je suis devenu mon plus grand adversaire. 
Je surveillais tout ce que je faisais. Je devais être irréprochable, dans mon quotidien comme dans mes différences.
Compliqué à tenir… Ça m’a poussé à prendre du recul avec les autres, pour ne pas montrer mes imperfections, et à me taire, de peur de dire des bêtises.

Non mais monter une boîte ! Moi qui suis perclus de défaut ! Quelle drôle d’idée…

Et en plus, en associant mes deux passions ! Je voulais passer ma vie en vacances ou quoi ?
Quel culot !

Mais je me faisais rattraper par un constat : je ne pouvais pas garder pour moi ces outils exceptionnels…

On a l’essentiel lorsqu’on associe le design et le bateau ! 

La méthode, pour comprendre le sujet et y répondre, et le cadre, pour l’appliquer de la meilleure manière possible.

Et puis il y a eu un nouveau taff. Avec lequel ça collait pas.
Et puis il y a eu une nouvelle remise en question. Mais qu’est-ce que je vaux ?
Et puis il y a eu une nouvelle incitation. What do you wanna do of your life?”

Et là, sur ce GR20 parcouru hors saison, seul et mal équipé, la question de cet étranger providentiel a pris un sens particulier.

Alors, ce qui était une évidence pour les autres l’est devenu pour moi :

Si je ne me lance pas, quelle autre activité pourrait me permettre de me sentir utile en résolvant de vrais problèmes ? Quelle autre activité me rendrait plus légitime qu’en associant le design et la voile, dans lesquels j’excelle ? Quelle autre activité me permettrait de mieux incarner ces valeurs qui me définissent ? Quelle autre activité me permettrait de rencontrer plein de gens, de disciplines et d’apprendre tous les jours ? Et me ferait rêver la nuit comme le jour ?

Si je ne lance pas Zomia, quelle autre activité pourrait me permettre d’arrêter d’y penser ?

Aucune.

Quel que soit le projet, le 1er pas est toujours le plus dur : accepter de s’écouter.

On ne peut pas tout prévoir. On ne peut pas être parfait. Mais la vie se charge de nous proposer des solutions. 

Il faut juste se lancer, et rester attentif.

Alors je me suis lancé. 

Et il y en a même qui veulent me suivre !!

Zomia n’est pas parfaite, mais elle grandit chaque jour.
Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais chaque chose en son temps.

J’appréhende mais j’ai hâte. Comme lorsque je prends la mer…

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