Management - Quand la machine laisse place à l’Humain
Il y a quelques semaines je racontais mon objectif du moment à une amie : formuler l’offre la plus explicite pour emmener des équipes pro travailler en mer.
Habitant elle-même au bord de l’eau et travaillant dans cet univers, ce que je racontais ne lui était pas inconnu. Mais au fur et à mesure que j’égrenais mes arguments je le voyais se fermer… jusqu’à ce qu’elle s’écrie, péremptoire :
« Jamais je ne m’embarquerais avec mes collègues ! »
La discussion était close.
Et le plus déstabilisant, c’est que la raison de son refus venait de mon objectif principal : se dévoiler face à ses collègues.
Pour elle c’était hors de question.
Son témoignage me mettait face à une réalité, en entreprise on retrouve aujourd’hui ce que je considère comme deux options de management :
L’organisation et ses rouages
ou Le collectif de personnalités
Ces deux voies considèrent les individus de manières fondamentalement opposées qui semblent incompatibles :
Dans la 1ère, la plus classique, les individus sont au service de l’entreprise.
Dans la 2nde, l’entreprise est le fruit de l’association de personnalités.
Regardons ça de plus près.
L’organisation et ses rouages, « Chacun son rôle et vaille ! »
C’est le modèle dans lequel se trouve mon amie, et il remonte à loin : le XIXe siècle et la révolution industrielle.
L’arrivée des machines a bouleversé notre manière de travailler. Nous nous sommes organisés autour d’elles dans des usines pour produire de manière plus efficace. Les machines réalisent certaines tâches, les individus les leurs, et on coordonne tout le monde pour augmenter la productivité.
Je ne vais pas vous refaire l’Histoire, vous la connaissez, mais je vous recommande cette série Arte, pour approfondir le sujet. 🏭
Ce modèle considère les individus au travers de leur fonction. Ils sont des rouages au service de l’organisation. On peut les additionner, les réorganiser, les spécialiser, et les remplacer aussi. Ils deviennent alors spécialistes pour éviter la concurrence de tous les autres.
Mais leurs humeurs n’ont pas leur place dans ce mécanisme complexe, elles risqueraient de faire dérailler la marche du progrès.
Aujourd’hui les salariés français travaillent davantage dans le tertiaire qu’à l’usine mais l’héritage industriel est toujours présent. La recherche de la performance individuelle est partout. Cette machine, qui devait être « à notre service », est devenu un adversaire qui donne le rythme. Un métronome aveugle dont le rythme s’accélère.
« À ouais, tu pars déjà ? T’as posé ton aprèm ? »
C’est ancré chez tout le monde.
Si l’on n’est pas assez performant, on risque de sauter. Alors on ne dévoile rien de soi qui pourrait être pris pour une faiblesse, ça mettrait le doute sur nos compétences. La frontière entre le pro et le perso est donc très marquée, tout le monde est un adversaire. « Chacun peut vouloir prendre ma place, dénoncer mes faiblesses, chercher à me piéger et me faire virer. »
Dans ce cadre, quelle drôle d’idée que de partir en voilier !
Se retrouver dans un milieu inconnu avec ses collègues, où l’on fera tomber le masque au risque de dévoiler un petit manque d’assurance et une humilité légitime face aux éléments.
L’Autre est une menace. Alors on ne donne rien de plus que ce qui nous est demandé. Communication minimum.
Et celle-ci se retrouve d’autant plus limitée et le phénomène de repli sur soi amplifié que l’organisation de ces entreprises est souvent faite en silos. Les services fonctionnent côte-à-côte. Ils sont très efficaces pour délivrer une prestation standard mais ils ne collaborent qu’à des moments spécifiques, en déléguant parfois à des prestataires extérieurs.
3 conséquences d’une Organisation à rouages :
La capacité à évoluer est lente et limitée, entravée par une absence de circulation de l’information : il est compliqué d’innover.
Le client se retrouve face à différents interlocuteurs, brouillant un discours parfois contradictoire : la perception du service est mauvaise.
Chacun fait son boulot puis passe au suivant : les performances sont « limitées par le maillon le plus faible de la chaine ». Ambiance.
Dans une organisation conçue comme une grande machine, l’entreprise s’adapte difficilement au changement. Les salariés se retrouvent isolés dans la crainte de l’autre et doutent d’eux-mêmes dès qu’ils ne rentrent pas dans le moule.
Je sais, j’ai fait ✋
Ajoutez à cela une concurrence extérieure aujourd’hui mondialisée, venant de l’autre côté du globe ou prenant les traits d’IA avancées (coucou ChatGPT). Il ne vous reste alors qu’à choisir entre la crise de nerf ou le repli identitaire…
Mais on peut opter pour une autre possibilité, un modèle de management qui, au lieu d’imiter la machine, fait la part belle à l’humain.
Le collectif de personnalités
On retrouve souvent ce modèle dans des entreprises récentes et des équipes de plus petites tailles créées avec l’essor d’internet. Elles ont besoin de s’adapter rapidement aux évolutions du contexte et ici chaque individu peut mettre la diversité de ses compétences au service du groupe.
La « production en masse », propre au modèle Organisation à rouages est aujourd'hui souvent réalisée dans les Collectif de personnalités à l’aide d’outils numériques. Dans ce modèle la difficulté consiste surtout à créer un groupe soudé et solide afin que les ego ne l’emportent pas sur l’objectif commun.
La meilleure illustration en sont les équipes sportives.
On peut prendre l’exemple de Billy Beane, entraineur de baseball d’Oakland à la fin des années 90. Faute de moyens financiers importants, il a été le 1er à construire un collectif en recrutant des joueurs sous-évalués mais complémentaires pour rivaliser avec les meilleures équipes. En se focalisant sur les forces de chacun, ils réussissaient ensemble à percer là où personne ne les attendait.
Le succès tient à la démarche du manager qui est aller chercher des personnalités particulières qu’il a associées. Les autres équipes recrutaient des joueurs à forts potentiels et leur faisaient développer les compétences qu’elles estimaient nécessaires pour renforcer le collectif. On rentre dans le moule !
À l’inverse Billy Beane s’est adapté aux personnalités dont il disposait et il les a organisées pour créer un collectif complémentaire et performant. En commençant par essuyer les moqueries.
Il en a été tiré un bon film avec Brad Pitt : Moneyball (en VF : Le Stratège), 4 étoiles Télérama quand même.
Dans la même veine, on peut s’inspirer de Phil Jackson, l’entraineur mythique de Michael Jordan que vous avez vu dans The Last Dance. Avec ses méthodes de coaching uniques à l’époque, il est parvenu à faire collaborer des basketteurs superstars qui cherchaient à exister individuellement.
Ses 3 outils :
la méditation, pour calmer les esprits dissipés et focaliser les joueurs sur l’objectif,
la compassion, pour tisser des liens entre eux,
et l’intelligence collective, pour redonner le pouvoir de décision à ceux qui sont sur le terrain.
Objectif : créer une association de talents solidaires, responsabilisés et portés vers un objectif commun.
Cette méthode a quand même permis à Phil de remporter 9 titres de NBA 🏀
Pour en savoir plus, Eleven Rings, le livre dans lequel il explique ses méthodes de coaching un peu particulières.
Ce modèle de management est parfaitement applicable aux équipes professionnelles non-sportives et les bénéfices sont nombreux. Cela permet à chaque personne du collectif d’être :
à l’aise, car reconnue pour ses compétence propre,
engagée, elle sait à quoi elle dédie ses forces,
performante, elle se sent comprise et soutenue, elle est donc prête à se mettre au service du collectif,
et époustouflante, elle révélera des compétences inattendues lorsque la situation le demandera parce qu’elle se sent en confiance pour le faire.
Mais ce modèle s’accompagne tout de même d’une difficulté : en face de vous se tiennent des êtres humains. Pas les rouages d’une machine. Leur force c’est aussi leur fragilité, elle doit être appréhendée correctement.
Si une personne a la capacité de s’engager corps et âme dans un projet, c’est parce qu’on a pris le temps de la convaincre et que ses doutes ont été levés.
Si par moment elle ne compte pas ses heures et fait passer le collectif avant ses intérêts personnels, c’est parce qu’elle en tire une valorisation personnelle et que ses intérêts ne sont pas bafoués.
Si elle semble invincible et déploie une énergie à déplacer des montagnes, c’est parce qu’on a pris le temps de comprendre les sources de ses appréhensions et qu’on s’évertue à les éviter.
Et le meilleur moyen de gérer l’humain, c’est la communication.
La communication c’est l’écoute et l’honnêteté. “J’entends ce que tu dis, je le considère sérieusement” et “je n’ai pas d’appréhension à partagé la réalité des choses”.
Et dans un collectif qui fonctionne, la communication c’est à double-sens, c’est honnête et ça concerne tous les sujets :
l’objectif du groupe,
la manière d’y parvenir,
le rôle de chacun,
les difficultés que l’on va rencontrer,
les forces dont on dispose,
mais aussi nos faiblesses. Les tiennes, les miennes, les nôtres.
Mais pourquoi je te parle de ça aujourd’hui ?
Ces sujets sont évident dans une entreprise comme dans l’équipage qui manœuvre un voilier. Et si un bateau a un fonctionnement quasi militaire – chacun a un rôle bien défini à bord et les règles sont strictes pour assurer la sécurité – faisant penser à une machine avec des rouages, il est avant tout mené par des humains. Les personnalités riches qui se révèlent à bord permettent au collectif de s’adapter à un environnement fondamentalement imprévisible et de progresser vers l’objectif malgré les pièges et les difficultés.
Ensuite, la multitude des événements, l’hostilité du milieu autant que la rapidité d’évolution des situations font du séjour en voilier un concentré de vie. C’est un laboratoire exceptionnel pour observer le fonctionnement d’une équipe et catalyser ses évolutions.
C’est l’occasion pour vous de constater les bénéfices de l’humain dans les rouages de votre organisation.
Zomia vous emmène naviguer
pour vivre des mini crises supervisées
afin d’éviter la vraie.
Et l’avantage de faire le choix de l’Humain plutôt que d’imiter le rouage de la machine c’est que l’IA ne pourra pas vous concurrencer. Elle tentera de mimer l’empathie, mais elle ne pourra jamais la ressentir… Impossible pour elle de se mettre dans les pompes de son interlocuteur !