Heureux qui comme Ulysse (3/4)
Où commence le voyage…
Avec cette proposition de sortie s’est installé un silence assourdissant… Quelque soit ma réponse, elle m’engagerait sérieusement…
J’ai choisi de partir, j’ai choisi l’inconnu… C’était effrayant mais c’était honnête. Et je retrouvais un inconfort salvateur, celui que l’on trouve en mer, qui nous ouvre les yeux et nous pousse à progresser.
Quand est-ce que mon voyage a commencé ? Dans les conversations, chacun associe une date différente au début de mon voyage. Pour certains c’est lorsque j’ai quitté Paris pour retrouver le bateau à Sète. Pour d’autres quand nous avons largué le dernier tour mort pour prendre le large ? Ou bien avant, quand j’ai commencé à imaginer la possibilité de cette pérégrination… Non, mon voyage a véritablement démarré dans cette salle de réunion, lorsque je me suis débarrassé de tous mes repères réconfortants et que je suis parti dans l’inconnu. Quand la possibilité du départ est devenu une réalité ! Je n’avais plus de boulot, et donc plus le choix : il me fallait trouver un bateau et un capitaine, régler les derniers préparatifs et l’avitaillement pour plusieurs semaines, trouver un équipier et enfin s’élancer de Sète.
Barcelone… Alicante… Almerimar… Gibraltar et La Linea de la Concepcion comme derniers repères continentaux… Une semaine d’entraînement grandeur nature ensuite. Navigation sans repère jusqu’au Canaries. San Sebastian de La Gomera pour reprendre son souffle avant le grand saut. Et puis le gros morceau. Ce qui allait être vingt-deux jours de mer, sans possibilité de contact avec l’extérieur, à progresser avec les éléments pour arriver en Martinique… Le Marin, Le Robert, entre autres. Toutes les personnes que j’ai rencontrées, celles que j’ai retrouvées. Un confinement à Rivière-Pilote comme une véritable plongée dans l’art de vivre créole… Des frontières fermées et l’idée du retour qui se concrétise avec un autre bateau et un autre équipage. Confinement dynamique à Sainte-Anne, Saint-Pierre, Anse Couleuvre, puis cap sur la Guadeloupe et Les Saintes, la baie de Deshaies avant le grand retour… Les Açores en spectateur dans l’avant-port d’Horta sur l’île de Faial… Puis la Bretagne, Baie de Quiberon terrain connu, la Vilaine et Arzal comme point final…
Le voyage nait de l’envie de rencontrer l’Autre. Le voyage commence en quittant ses repères pour embrasser l’inconnu. Aller se confronter à ce qui n’est pas nous, voir, rencontrer, écouter, échanger, lâcher prise, accepter ses faiblesses et laisser venir à soi ce qui nous effraie pour mieux connaître ses forces…
En partant en voyage je me suis autorisé ce que je n’avais jamais osé…